Les chroniques de Katlitout
Soupers de filles
Auteure : Pascale Wilhelmy
Quoi de mieux dans la vie que de partager un moment avec les copines ? Vous savez ces amies pour qui vous donneriez votre vie, ces amies qui malgré la distance sont là pour vous dans les bons comme les mauvais jours ? Peu importe la catégorie d’âge à laquelle vous appartenez, ces réunions sont essentielles, voire même thérapeutiques. Rires, larmes, confidences, moments cocasses ou intenses et complicité s’invitent gentiment lors de ces soupers de filles. Le temps d’une soirée, devant une bonne bouffe et quelques bouteilles de vin, on partage nos vies. Je ne sais pas vous, mais pour moi ces rencontres sont nécessaires, sacrées mêmes. Toujours mémorables, ces précieux moments renforcent un peu plus chaque fois les liens qui unissent chacune d’entre nous.
C’est ce sur quoi Pascale Wilhelmy a misé dans son tout dernier roman Soupers de filles. Sur un ton un peu plus léger que Où vont les guêpes quand il fait froid ? Ou encore de Ces mains sont faites pour aimer publié en 2014, elle nous offre un récit bonbon, une lecture réconfortante, un titre sans équivoque qui nous fait sourire à quelques reprises. Dans ce quatrième roman, en compagnie de ses amies Lili, Kim, Alex et Juliette, Pascale nous livre un petit peu de nous, un petit peu de vous, un petit peu d’elle et de son groupe, un mélange vibrant à la fois d’une histoire inventée mais parsemée également de plusieurs vérités : «Il y a de nous dans ce livre. Des moments, des vérités. Des histoires inventées. J’ai combiné ce qui s’est vraiment produit, ce qui a failli se produire, ce que j’ai imaginé aussi.¹»
Lili, Kim, Alex, Juliette et Pascale se sont rencontrées sur un plateau de tournage. La première de cette quintette, Lili, l’attentionnée, la sensible du groupe, la romantique à l’extrême se porte défenseure de tous les démunis de la planète ; Kim, quant à elle, la négociatrice, celle qui aime les voyages, connait la valeur des choses et peste toujours au restaurant lorsqu’arrive le temps de l’addition ; Alex, la caméra-woman, l’inspirante, l’hyperactive ne craint rien et ne se plaint jamais ; Juliette, elle, cache dans son tiroir des articles de survie, possède de l’énergie à revendre et veille au bonheur de tous. Finalement, l’aînée, Pascale, maman de deux enfants (la seule du groupe) vient de laisser la production télé au profit de l’écriture. Elles ont toutes un horaire chargé et elles doivent se prendre des mois d’avance pour planifier cette soirée de quelques heures : «Nos rencontres ont débuté avant l’avènement de Facebook. J’ai refait le compte. Notre premier souper […] a nécessité cent vingt-neuf courriels de part et d’autre. Pas vingt, pas trente. Cent vingt-neuf. C’est à partir de là que j’ai décidé d’alléger les nuages informatiques qui flottent au-dessus de nos têtes. ²» Malgré la rareté des rencontres, malgré les semaines qui passent parfois sans communication de part et d’autre, un attachement profond unis les filles. Lorsque tout le monde réussit à se voir en même temps, c’est un Événement avec un grand E, telle une rencontre au sommet, tel le G7 ! Lors de ces soirées, aucun sujet n’est tabou mais ne s’invite pas qui veut ! Ajouter un ingrédient à une recette qui fonctionne très bien pourrait faire briser la chimie des éléments entre eux. Seule règle rigide, irrévocable : aucun homme n’est autorisé dans l’antre des filles. Ils y sont par contre un sujet bien présent dans leurs conversations ! Au fil des saisons, on aborde les questions du deuil, de l’amitié, du dernier roman lu, ou du dernier film fétiche, de l’amour bien sûr, et des préoccupations typiquement féminines comme celle de la difficulté qu’ont les femmes à s’accepter comme elles sont : « Je suis récemment tombée sur une photo de moi il y a vingt ans. Vêtue de mon maillot une pièce. Sur cette photo, il y a une jeune femme qui n’aurait dû jamais avoir d’inhibitions. Elle aurait dû porter ce qu’elle voulait, elle avait le corps pour le faire. Et ce ventre, et ces cuisses – trop grosses qu’elle disait –, j’ai beau les observer d’un œil critique, elle aurait dû les aimer. La jeune femme sur cette photo ne savait pas.³»
Être heureux dans la vie c’est essentiel. Mais l’atteinte du bonheur ultime est difficile, parsemé d’embûches. Il faut être capable de trouver sa place et à chaque stade de notre vie, notre indice de bonheur fluctue selon les humeurs, selon les bonnes ou les mauvaises nouvelles, selon les promotions ou les déceptions. À l’ère où tout va vite, à l’ère des textos, des réseaux sociaux, à l’ère des J’aime au lieu du coup de téléphone dans le temps, la vie défile et on oublie souvent d’appuyer sur pause, de prendre le temps de se parler. Jusqu’à ce qu’un malheur survienne et qu’on se réveille trop tard en disant : «Zut, j’aurais dû profiter de la vie et de mes amies un peu plus pendant que j’en avais l’occasion.»
En décembre dernier, un ennui de santé m’a obligée à subir une intervention d’urgence. À cet instant, j’ai eu la preuve qu’en une seconde, la vie peut basculer sans qu’on s’y attende. Lors de mon retour de l’hôpital, une amie de longue date, une amie de mes soupers de filles à moi, qui habite à plusieurs kilomètres de chez moi, téléphone pour prendre de mes nouvelles et elle me dit ceci : «Appelle si tu as besoin de quelques chose, si je peux faire quoique ce soit, n’importe quoi. Je ne serai pas là dans deux minutes, mais je serai là…» Je me souviens que sur le coup ça m’avait bouleversée. Et quand bien même que je le savais au plus profond de mon cœur, c’est là que j’ai réalisé que moi aussi j’étais privilégiée parce que j’avais la chance d’avoir un cercle d’amies qui ont toutes leur place précieuse dans mon cœur et qui, malgré la distance, malgré les enfants, les devoirs, les leçons de danse, le baseball, le soccer, le conjoint, le travail et les obligations familiales, elles sont toujours là quelque part, pas tellement loin.
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1. WILHELMY ,Pascale, Soupers de filles, p. 11, Libre Expression 2018.
2. WILHELMY, Pascale, Soupers de filles, p.42, Libre Expression 2018.
3. WILHELMY, Pascale, Soupers de filles, p.67, Libre Expression 2018.
Kathleen Gaumont
Chroniqueuse littéraire
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